Vers un Maroc uni par ses territoires : transformer la vision en action
M. Mohamed Amine EL MOUATARIF : Développeur territorial et expert en ESS.
9/9/20253 min lire


En écoutant le discours de Sa Majesté le Roi lors de la Fête du Trône 2025, une phrase résonne avec une intensité particulière : « Il n’y a de place, ni aujourd’hui, ni demain, pour un Maroc avançant à deux vitesses. »
Cette déclaration souveraine est une alerte et une promesse : celle de dépasser les logiques fragmentées qui ont longtemps façonné notre modèle de développement, pour entrer dans une nouvelle ère, celle de l’intégration territoriale et de la justice spatiale.
Le Maroc est à la croisée des chemins. D’un côté, il se projette sur la scène internationale avec des mégaprojets, une industrialisation accélérée et la perspective de la Coupe du Monde 2030. De l’autre, des fractures territoriales et spaciales persistent, reléguant des régions entières à la marge de ce progrès. Ces deux vitesses fragilisent notre cohésion nationale et menacent notre pacte social.
Depuis l’adoption du Nouveau Modèle de Développement (NMD), nous disposons d’une vision audacieuse et inclusive. Mais il faut l’admettre : l’exécutif a échoué à en traduire l’esprit dans les faits. Par manque de courage ou par excès de gestion conjoncturelle, il a reproduit de vieilles logiques au lieu de changer de paradigme. Cette incapacité révèle une déconnexion avec le terrain, entretenue par une élite politique nourrie aux théories abstraites du capitalisme global, confortablement installée dans les salons feutrés des cénacles économiques, pendant que la réalité marocaine se vit dans les villages enclavés, les quartiers populaires et les territoires oubliés.
Pendant trop longtemps, le développement a été pensé en silos : social d’un côté, économique de l’autre. Ce modèle a atteint ses limites. Les territoires ne peuvent plus être de simples réceptacles de politiques descendantes. Ils doivent devenir des écosystèmes vivants, capables de générer leurs propres dynamiques et de co-construire l’avenir avec l’État et l’ensemble des acteurs locaux.
Le développement territorial intégré n’est pas un mot creux. Il représente une rupture culturelle et stratégique. Il suppose d’écouter et de comprendre les territoires avant d’agir, de valoriser leurs ressources endogènes, de relier les politiques publiques aux réalités locales, et de bâtir des mécanismes de solidarité et de complémentarité entre les régions. C’est passer d’une logique d’assistance à une logique de co-construction.
Le discours royal trace quatre priorités : libérer les énergies locales par l’emploi et l’entrepreneuriat, garantir un accès équitable aux services sociaux de base, gérer durablement l’eau face au défi climatique, et mettre à niveau les territoires en reliant les projets locaux aux grands chantiers nationaux. Ces axes forment une architecture de transformation, mais ils resteront lettre morte sans des femmes et des hommes capables de les incarner.
C’est le rôle des développeurs territoriaux, une fonction encore rare au Maroc mais essentielle. Ils orchestrent les transformations, relient les acteurs, dépassent les silos institutionnels et accompagnent les dynamiques locales. Sans eux, notre vision restera fragmentée et inachevée.
Pour réussir ce virage, il faut aussi transformer la gouvernance : décentraliser sans diluer les responsabilités, inventer des financements mixtes publics-privés-citoyens, et instaurer une véritable culture de l’impact où chaque dirham investi se traduit par des changements tangibles dans la vie des citoyens.
Ce discours royal est une vision claire et un signal fort. Son efficacité dépendra désormais de notre capacité collective à dépasser les inerties et à agir. Le temps des demi-mesures est révolu.
Cette Fête du Trône doit être le point de bascule d’un Maroc qui avance d’un seul pas, dans toutes ses régions, avec une promesse partagée : que le progrès ne soit plus jamais l’apanage de quelques-uns, mais un bien commun pour tous.
Le défi est immense. Notre responsabilité l’est encore plus. À nous de transformer ces mots en actes, et cette vision en mouvement.